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Résumé Ni la cité grecque, ce « club de citoyens » qui en excluait les femmes, ni les tragédies d’Eschyle et de Sophocle qui nous ont majoritairement légué des héros masculins, ne pouvaient laisser prévoir une œuvre aussi singulière que celle d’Euripide, dont le rôle des femmes est un indice majeur. Le livre déchiffre, au pied de la lettre, la seule expression grecque qui nous reste – en dehors des poèmes de Sappho – d’une intériorité féminine confrontée à la cité qui décrète le genre féminin incapable de penser, et de prendre part à la vie publique.
Il s’agit donc de donner à entendre et à voir, à travers la diversité des figures et des œuvres, ce premier surgissement d’un « féminisme » dans l’histoire de notre modernité occidentale, grâce à une œuvre tragique qui lui ouvre sa scène : des femmes y prennent la parole pour se livrer, déplorer et dénoncer le regard et les discours qui sont portés sur elles. Accablées, mais inventives, elles se refusent à la servitude volontaire. C’est dire que le théâtre d’Euripide, contrairement à la réputation qui lui a été faite depuis le
XIXe siècle allemand, accomplit sa fonction dionysiaque : bousculant l’ordre établi, transgressant les frontières instituées, il démultiplie la parole pour faire entendre l’Autre, au risque de la terreur des
Bacchantes. Il s’adresse au cœur de notre modernité.
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On en parle • La Vie hors-série - 2020 • Humanitas n° 70 - 15 janvier 2018 - - - - - - - - - -
L’auteur Ancienne élève de l’ENSJF, professeur en classe préparatoire à Strasbourg,
Claire NANCY a mené, en même temps que son enseignement de littérature générale et de grec, des travaux sur Euripide : lecture, traduction et dramaturgie. Elle a publié de nombreux articles, en France et à l’étranger, sur la fonction du théâtre grec, sur la femme tragique, sur le théâtre d’Euripide, et sur ses figures féminines. Elle a traduit
Hécube et
Les Troyennes (GF),
Les Phéniciennes (Belin, en collab.), ainsi que
La Paix d’Aristophane. Elle a collaboré comme dramaturge avec M. Deutsch et Ph. Lacoue-Labarthe pour la production théâtrale des
Phéniciennes (TNS, 1982), avec Bob Wilson pour la mise en scène de sa
Médée (Opéra de Lyon, 1984), avec A. Torrès pour le projet
Les Grecs-Banlieues du Grand Est avec des jeunes de quartiers sensibles (1997-1998). Elle a également enseigné la dramaturgie du théâtre grec au TNS.
Le volume s’inscrit sous le signe des lavis de
Colette DEBLÉ, peintre, qui consacre son travail depuis 1990 à la représentation des femmes dans l’histoire de la peinture. Ses aquarelles fluides empruntent leurs figures féminines aux grandes œuvres originales qui les ont mises en scène – ici la peinture des vases grecs. Elles font transparaître, sous leurs singularités, une parenté vivante, comme les figures du chœur tragique chantent et dansent leur communauté multiple.
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Sommaire Avant-propos Euripide et le parti des femmes L’invention tragique de Médée : De l’épopée à la tragédie - Médée, héraut de la femme grecque - Médée, femme-héros - La raison révolutionnaire de Médée - De la femme à la mère - De la mère à l’infanticide - Le
deinon féminin
Hécube, « le jour en trop » L’anagnôrisis d’Hécube Les troyennes La voix du chœur (Les Phéniciennes) : L’air du large - Le mythe du chœur - La voie dionysiaque - L’hymne de la communauté
Les phéniciennes, « le sujet le plus tragique » Iphigénie à Aulis, esquisse d’un geste dramatique La catastrophe ultime : Les enjeux du dionysisme dans l’œuvre d’Euripide - L’enjeu du dionysisme dans
Les Bacchantes - Dionysos ou le dieu-pour-la-mère - La
sunesis du matricide - L’altérité irréductible du dieu efféminé - La raison comique dans
Les Bacchantes - La
dikaiosunè tragique de Dionysos - La
sunesis des
Bacchantes Œuvres antiques citées Textes modernes cités